Critical texts



Exposition Lignes Brèves
Galerie Catherine Issert, Saint-Paul de Vence, FR 
du 14 mars au 23 mai 2020 

Entre mémoire, oubli et perte de repères, les œuvres de Marine Wallon ont pour origine des images prélevées, recadrées, issues de films ou d’archives de publicités vantant des destinations touristiques. Surgissement de couleurs et de matières, sa peinture miroite l’existence d’une nature plus ou moins domptée par l’humain. À la manière des Paésines, ces pierres à images issues du calcaire italien qui, une fois tranchées, composent des paysages à l’aspect ruiniforme, elle tranche dans la matière iconographique pour en extraire des images précises. Si elle conserve le point de vue cinématographique de ses captures d’écran, Marine Wallon en brouille les figures au moyen de larges coups de brosse pour composer des œuvres oscillant entre figuration et abstraction.  

Née d’un désir de montrer des recherches autour de la peinture contemporaine, Lignes brèves1 réunit quatre artistes — Agathe Dos Santos, Olivier Masmonteil, Anne Neukamp et Marine Wallon — qui exposent pour la première fois à la galerie Catherine Issert. 
Une rencontre entre plusieurs générations de peintres, qui tous, réactualisent de possibles représentations du réel par le biais de la figure, du signe, ou de la trace. Des gestes picturaux fondamentaux, qui se nourrissent de nœuds référentiels mêlant des citations historiques à des vocables issus du cinéma, de la photographie et des médias numériques.  
Comme le rappelle Tim Ingold, nous avons l’habitude de considérer l’activité humaine — ici, en l’occurrence le geste artistique — comme la traduction d’une idée en figure, l’imposition d’une forme sur une matière. Ce qui constitue notre habileté serait en réalité à voir comme un enchevêtrement de lignes : « celles que trace l’agent humain, bien entendu, mais aussi celles qu’il s’efforce de suivre et d’épouser au sein du matériau, celles qui orientent et rythment ses pratiques au sein d’un environnement (…). 2» Guidée par cette observation anthropologique, l’exposition Lignes brèves propose de considérer l’œuvre de ces quatre peintres par le prisme de la ligne.  
Pour Olivier Masmonteil, le travail de rayures colorées sur paysages induit une recherche de parcours, aussi bien du paysage que du regard. Chez Anne Neukamp, on note un appétit pour la ligne sous des formes diverses et synthétisées (bout de corde, d’anneau, de trombone, graphismes linéaires divers). Agathe Dos Santos aborde la peinture comme des tissages d’éléments différents voire opposés, auxquels elle redonne sens par un travail de juxtaposition. Le travail de peinture de Marine Wallon recherche quant à lui une économie de traits afin de capter la fugacité de l’instant pictural.  
Un cheminement itinérant dans le champ du tableau, guidé par le travail gestuel du peintre, qui longe, traverse et surplombe sa surface plane pour construire sa composition. 

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1 Titre qui fait référence à l’ouvrage Une brève histoire des lignes de l’anthropologue Tim Ingold (2007), trad. Sophie Renaud, Bruxelles, Zones Sensibles, 2011
2 « Pour une écologie des lignes et des tissages », Yves Citton en collaboration avec Saskia Walentowitz, Revue des Livres, n° 4, mars 2012, p. 28-39.