Critical texts



Catalogue Voir en peinture, 2022 
Musée des Sables d’Olonne — Musée Estrine — Musée des Beaux-arts de Dole
 

À l’histoire linéaire on préférera celle en strates, comme les pierres paésines qui offrent un feuilletage. Concrétion de silicates, terres et autres résidus minéraux qui s’amalgament, elles forment des paysages trouvés. Au classement en listes, types et genres picturaux académiques, Marine Wallon dit « chercher ailleurs des stimuli », cet ailleurs c’est l’imaginaire du cinéma. Le photographique, la pellicule (petite peau), les filtres de Google Street View, Google Images, les cropping et clipping du flux tendu des images diffusées semblent avoir infiltré les manières de voir et manière de faire peinture. 
Le zooming-dezooming, la plongée/contre-plongée, le cadrage sont des modes opératoires de la caméra qu’emprunte Marine Wallon. Captures d’écran, recadrage, impression, peinture : une série d’actions qui relèvent du processus de cet autre art du temps qu’est le cinéma. Les petits personnages isolés en vue d’oiseau (Herradura, 2022), souvent de dessous, de dos, dont le visage est caché, sont des archétypes qu’on ne reconnaît pas précisément. On les ressent de manière fugitive, presque comme un réflexe. C’est une peinture qui va vite. Un peu comme l’effet « flicker » du cinéma dit expérimental de Stan Brakhage. La nature des peintures, la nature dans la peinture, est celle « vue au cinéma » et filtrée par un répertoire d’images trouvées. Marine Wallon peint non pas d’après nature, mais à partir du fonds d’images commun de nos ordinateurs. Si elle a une réelle expérience des paysages, notamment des déserts américains, Marine Wallon les reconstruit sur toile. 
Au contraire de Cézanne proposant de faire « du Poussin sur nature », l’artiste résiste à l’idée de nature, qui est une invention, et nous renvoie des vues d’humains du point de vue des plantes (Mantegazzia, 2020). Une tension s’opère entre le coup de brosse, large et oblique qui définit une immensité, et les figures. Les titres, seuls, les situent. Ce sont des noms de lieux, ils évoquent un lointain, infini (exotisme), dont la peinture semble une tranche. 

Marie de Brugerolle, 2022




« La peinture doit rester une pensée sauvage. » 

Marine Wallon peint. (…) 

C’est avec le cinéma et la photographie que son art a le plus d’accointance, évidemment le western américain mais aussi le cinéma coréen et japonais. Dans ses peintures, il n’y a plus de perspective albertienne, on entre dans une surface abstraite, on s’y cogne même. Comme dans certains films d’Alfred Hitchcock (Vertigo), ou d’Henri-Georges Clouzot (L’enfer), la camera tourne et nous déstabilise dans un espace onirique. Les tableaux de Marine Wallon sont partagés en deux ou trois paries, traités de manière différente, matière lisse ou tourmentée, fine ou épaisse, rapide ou appliquée. Ainsi, dans la peinture Herradura, le rouge épais, brossé, s’étend sur la toile et s’oppose au triangle vert plus fluide. La matière vivement étalée sur la toile suggère une composition abstraite sauf qu’un petit cavalier traverse l’espace, la faisant basculer soudain en un paysage incandescent. 
Les outils qu’utilise l’artiste sont des spatules, racloirs, brosses, chiffons, suggérant la matière même d’un sol, de rochers ou de plantes (Mantegazzia), grâce au rendu de la matière picturale à l’instar de Gustave Courbet peignant les roches de ses reculées du Jura au couteau. (…)  

Anne Dary, 2022