Critical texts



Strates, tensions et vibrations

FRA La peinture de Marine Wallon, matérielle et sensuelle, interroge les différents éléments constitutifs de la peinture. Elle s’inscrit dans la tradition du paysage, de Patinir à Cézanne, de Van Gogh à Alex Katz, paysage terrestre, lacustre ou marin, paysage de neige, de campagne ou de désert.  
Elle joue des dimensions de la toile, monumentale ou de petit format. Elle est figurative mais pousse jusqu’aux limites de l’abstraction certaines zones peintes, passant ainsi du réel à l’imaginaire. Elle use de toutes les ressources de la couleur. Elle part d’images glanées sur certains sites d’archives, souvent des vidéos amateurs ou publicitaires vantant les attraits de sites touristiques. « Je cherche dès le départ, précise l’artiste, une certaine instabilité, un sujet de nature avec un élément fort du paysage pour qu’une figure puisse trouver sa place dans le territoire ».  
Il est donc ici question de nature, de terre et même de géologie. Des toiles comme Bonenza (2018) ou Kabangama (2021), par exemple, affichent de manière frontale d’immenses plans de roches aux strates colorées. Celles-ci se superposent comme un mille-feuilles, s’imbriquent les unes aux autres, puis se courbent, se transforment en vagues puissantes. Dans leur épaisseur de matière, on décèle le travail de la spatule, du racloir. Dans leur mouvement, on reconnaît le geste tournant, arbitraire, puissant, qui rend solide la vague et liquide la pierre. 
À la question de savoir d’où vient son goût de la géologie, Marine Wallon répond qu’elle se souvient d’étés d’enfance où elle recherchait des fossiles dans la Drôme, qu’elle a photographié lors d’un échange culturel aux États-Unis le Glen Canyon « un explosé de couleurs », qu’elle s’intéresse aux déformations subies par les roches. « Cela fait plusieurs années que je sens dans la géologie structurale un parallèle avec les tensions et vibrations que je recherche dans la peinture », ajoute-t-elle. Et c’est vrai qu’il y a une musicalité, une chorégraphie, dans les peintures de Marine Wallon où la matière s’étire, devient fluide, où la composition s’amuse des plongées et des contre-plongées, où le geste se poursuit au-delà des limites de la toile. Des peintures sonores, mouvantes, induisant une certaine synesthésie. 
« Une expérience loin des mots et plus proche d’un éveil des sens », conclut l’artiste qui écoute, tout en peignant dans l’atelier, le bruit du vent ou celui de la mer.



ENG Marine Wallon’s material and sensual painting interrogates the different elements that constitute the medium. It is inscribed in the landscape tradition, from Patinir to Cézanne, from Van Gogh to Alex Katz. Plain, forest, lake or sea, landscapes that are snowy, bucolic or desert-like. She plays on the dimensions of the canvas, from monumental to small format. She is figurative but pushes certain painted areas to the limits of abstraction, shifting from reality to the imaginary. She uses all the resources of colour. She starts with images gleaned from archive site, often amateur videos or advertisements touting the attractions of tourist sites.  
“From the start”, says the artist, “I am looking for a certain instability, a natural subject and a powerful feature in the landscape that will allow a figure to find its place in the territory.” This work, then, is about nature, earth and even geology. In the thickness of the material, we can read the work of the spatula, the scraper. In their movement, we recognise the rotating, arbitrary, powerful gesture that makes the wave solid and the stone liquid.  
“For several years now I have been aware of a parallel between structural geology and the tensions and vibrations that I look for in painting”, she adds. And it is true that there is a musicality, a choreography, in Wallon’s paintings in which the material stretches and becomes fluid, where the composition plays with steep downward and upward views, where the gesture continues beyond the limits of the canvas. These are paintings with sound and movement. They induce a certain synaesthesia.  
This is, concludes this artist who paints the noise of the wind or sea in her studio, “An experience far from words and closer to an awakening of the senses. “ 

Guy Boyer, 2022